L’Argus de l’assurance du 20 décembre 2018

La mise en place du reste à charge zéro au 1er janvier 2020 met en question la place et le fonctionnement des réseaux de soins. L’optique devrait tirer son épingle du jeu, mais l’audiologie et le dentaire risquent d’être fragilisés.

 

Les réseaux des soins des organismes d’assurance maladie complémentaire (Ocam) sont-ils menacés par la mise en place du reste à charge zéro (RAC 0 ou 100 % Santé) à l’horizon 2020 ? « C’est tout de même un coup de semonce pour notre profession. Il y a plusieurs postes sur lesquels le régime obligatoire intervient peu (ndlr : optique, prothèses dentaires et auditives) et où nous avons mis en place des outils puissants de régulation tarifaire. Or le gouvernement ne s’appuie pas sur ces outils, mais instaure le 100 % santé par voie réglementaire », déclare Laurent Borella. Le directeur général de Kalivia, la plateforme créée par Harmonie Mutuelle et Malakoff Médéric, regrette, qui plus est, que « les discours sur le RAC 0 ne mentionnent pas les Ocam comme payeur principal. Il y a pour nous un risque de perte de visibilité et de sens ». Si la menace est réelle, l’état des lieux varie selon les secteurs. C’est en optique que l’avenir des réseaux paraît le moins compromis. Jean-François Tripodi, directeur général de Carte Blanche partenaires, estime qu’il « n’y aura que 10 % d’achats dans le panier Rac 0 ».

« Concrètement, cela signifie que 90 % de l’activité ne va pas bouger et que, pour le panier RAC 0, nous aurons toujours à améliorer la qualité, contrôler la traçabilité et gérer la fraude éventuelle. » Sur le panier à Rac 0, Marianne Binst, directrice générale de Santéclair, pense que le rôle des réseaux consistera « à fournir des équipements de qualité ». Une nécessité selon elle, car le dispositif voulu par la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, est « écrit de manière très technique, et ne dit rien de la qualité ». Du coup, certains ont déjà rebaptisé le 100 % Santé « 100 % chinois », ce qui « n’est pas faux vu les prix bas qui ont été fixés », poursuit-elle. Kalivia compte aussi mettre en avant la qualité sur l’offre 100 % Santé, et les prix préférentiels sur l’offre à tarifs libres. « Cette promesse des réseaux garde toute sa force », estime Xavier Toulon, du cabinet Joxa, convaincu par ailleurs que « les opticiens sauront convaincre leurs clients de choisir les tarifs libres. » « Plus de 15 ou 20 % de ventes à RAC 0 remettraient en cause l’économie du secteur, entraînant de nombreuses fermetures de magasins », dit-il. En audioprothèse, l’état des lieux est beaucoup plus contrasté. « Cela entraînera un effet volume. Nous estimons qu’il y aura 450 000 porteurs supplémentaires dès la première année », annonce Jean-François Tripodi. De plus, il n’y aura pas de problème de qualité. à la différence de l’optique, il n’y a pas de fournisseurs « exotiques », mais seulement quelques grands fabricants mondiaux. Autre différence, le panier à Rac 0 se positionne plutôt sur le milieu de gamme. « Les produits les moins chers, comme les entrées de gamme à 650 €, ne seront plus distribués alors qu’ils n’ont pas démérité et correspondent à un vrai besoin d’une partie des bénéficiaires n’ayant pas d’utilité à être « suréquipés ». Mais le dispositif Buzyn fixe un niveau de remboursement à 950 €, ce qui place de fait hors jeu tous les équipements à prix inférieurs », explique Marianne Binst.

Dans ce contexte, le regain d’activité provoqué pourrait profiter aux réseaux. Mais d’un autre côté, « il y aura un tel d’appel d’air que je ne vois pas comment ils pourront négocier prix et volume. Pendant au moins deux ans, les audioprothésistes pourraient se dire qu’ils n’ont pas vraiment besoin des réseaux », remarque Josette Guéniau, du cabinet Joxa.